Cancer du poumon : zoom sur une chirurgie moins traumatisante
S'il n'est que le quatrième cancer en nombre de cas, le cancer du poumon est le premier en termes de mortalité. Malgré les progrès thérapeutiques, la meilleure chance de guérison reste la chirurgie lorsque la tumeur est localisée. Dans ce domaine, l'Institut Montsouris propose une technique opératoire innovante.
Lorsque le cancer du poumon est détecté suffisamment tôt, l'ablation de la tumeur permet d'obtenir dans certains cas des guérisons. Jusqu'à maintenant, la chirurgie traditionnelle reposait sur l'ouverture du thorax, à l'origine d'importantes douleurs. Mais aujourd'hui, une nouvelle technique nettement moins traumatisante permet d'obtenir les mêmes résultats.
Cancer du poumon : la chirurgie est la meilleure chance de guérison
On a recours à la chirurgie lorsque la tumeur est localisée et peut être retirée de façon sécuritaire. Le chirurgien fera l'ablation soit d'une petite partie du poumon (résection cunéiforme périphérique), soit d'un segment (segmentectomie), soit d'un lobe entier (lobectomie - qui est de loin la technique la plus employée), soit d'un poumon en entier1. Parfois, on combine la radiothérapie ou la chimiothérapie à la chirurgie afin de prévenir une rechute. "Seuls 15 à 20 % des patients peuvent être opérés, en raison d'une maladie trop avancée ou d'autres maladies (comorbidités) qui contre-indiquent la chirurgie" précise le Dr Dominique Gossot, chirurgien, responsable du département Thoracique de l'Institut Mutualiste Montsouris2. Le taux de guérison après chirurgie est de 45 % tous stades confondus et de 70 % pour les stades précoces3,4.
Le plus souvent, la chirurgie consiste en une lobectomie associée à l'ablation des ganglions lymphatiques situés sur le côté du poumon cancéreux (curage ganglionnaire).
Cette chirurgie peut être réalisée par trois techniques chirurgicales différentes :
- La thoracotomie, utilisée traditionnellement, consiste en une large ouverture du thorax ;
- L'intervention vidéo-assistée où l'ouverture du thorax est réduite ;
- La thoracoscopie où l'intervention est faite à thorax fermé. Cette technique représente aujourd'hui moins de 1 % des interventions sur cancer du poumon en France, contre 30 % au Japon5. "En France, l'Institut Mutualiste Montsouris est le premier hôpital en France à pratiquer cette technique opératoire moins invasive. Depuis, d'autres centres comme Rouen ou Marseille se sont engagés dans cette voie" précise le Dr Dominique Gossot. Cette technique présente pour le patient de nombreux avantages en termes de réduction des douleurs postopératoires, de la durée de convalescence et du retour à une vie normale.
Lobectomies pulmonaires à thorax fermé
Actuellement, seuls les cancers de stade précoce sont opérés selon cette technique (ceux sans atteinte ganglionnaire - on parle de clinical N0), soit près d'un tiers des cancers du poumon opérable. Les contre-indications sont donc les stades avancés et certains antécédents chirurgicaux. Cette chirurgie s'apparente à une chirurgie par coelioscopie : "L'intervention se déroule selon les mêmes règles qu'une intervention classique pour exérèse d'un cancer du poumon, mais, et c'est là l'avantage, sans aucune ouverture en dehors de 3 à 4 incisions de 5 à 12 mm qui permettent l'introduction des instruments chirurgicaux et d'un endoscope orientable relié à une caméra de haute définition dont l'image est projetée sur deux écrans" précise le Dr Gossot. Grâce à ces images très précises, la dissection des vaisseaux et des bronches est réalisée en toute sécurité. En fin d'intervention, l'une de ces incisions est agrandie sur une longueur de 3 à 4 cm pour extraire le lobe pulmonaire et la tumeur.
Une fois la tumeur extraite, l'intervention est complétée par la dissection et l'exérèse de tous les ganglions susceptibles d'être envahis par le cancer. Ces ganglions seront analysés pour d'une part avoir plus de précision sur le pronostic et juger de l'éventualité d'une chimiothérapie postopératoire. La durée moyenne de l'intervention est de 3h20 (soit près du double d'une intervention classique).
Quels sont les avantages de cette chirurgie à thorax fermé ?
"Le principal avantage par rapport à une chirurgie par thoracotomie est l'importante réduction de la douleur postopératoire. L'ouverture du thorax entraîne en effet des douleurs liées à la section des muscles, à l'écartement des côtes et au traumatisme des nerfs intercostaux. On considère que les douleurs post-thoracotomies sont parmi les plus importantes et qu'elles entraînent des séquelles dans 15 à 20 % des cas" souligne le Dr Gossot. Outre son aspect pénible pour les patients, la douleur est elle-même source de complications respiratoires. Enfin, plusieurs études6 montrent que le caractère "invasif" d'une thoracotomie a sans doute un impact sur l'évolution du cancer par l'immunodépression qu'elle provoque.
La durée d'hospitalisation est réduite et le retour à une activité normale est plus rapide. La durée moyenne d'hospitalisation de ces patients a été de 6,5 jours et 50 % d'entre eux ont quittés l'hôpital avant le 5e jour postopératoire.
"Au total, toutes indications confondues, 250 patients ont pu en bénéficier. 140 d'entre eux ont été opérés pour un cancer bronchique de stade précoce (dits stade I clinique), les autres pour des tumeurs bénignes du poumon, des dilatations des bronches ou des métastases). Cinq de ces interventions ont été converties en thoracotomie classique (3,8 %). Les 71 premiers patients opérés pour cancer bronchique ont fait l'objet d'une publication fin 2009 dans la revue des maladies respiratoires7" nous précise le Dr Gossot.
L'expérience de l'IMM, et celle d'autres équipes dans le monde, montre que la lobectomie pulmonaire pour cancer à thorax fermé est une intervention sûre, aux résultats identiques à la thoracotomie, dans le respect des règles de la chirurgie carcinologique : la résection est complète, le curage ganglionnaire est adéquat. Pour l'établissement qui la pratique, cette chirurgie nécessite des temps opératoires plus longs (220 minutes au lieu de 140 en moyenne), un équipement spécifique et des personnels formés pour maitriser cette technique. "Au total, le coût de l'intervention est élevé (temps d'utilisation des salles d'opération, équipement, en formation du personnel), mais le coût total du séjour est moindre (durée d'hospitalisation plus courte, moins de séjours en réanimation) sans compter une moindre consommation médicamenteuse postopératoire.
Limitée aux stades précoces, la chirurgie du cancer du poumon pourrait bénéficier de la mise en place d'un dépistage de cette maladie chez les gros fumeurs par scanner. Après avoir donné des résultats controversés, un tel dépistage apparaît utile selon la dernière grande étude américaine8 publié en avril 2010. Selon ces résultats, un tel programme permettrait de réduire de 20 % la mortalité par cancer du poumon.
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